Sorti le 13 février 2025 sur Xbox Series X|S, Warriors: Abyss marque une tentative audacieuse de Koei Tecmo d’introduire des éléments roguelike dans la formule éprouvée des jeux Warriors. Si la saga est connue pour ses affrontements titanesques contre des armées entières, cet opus prend une tournure plus mystique et expérimentale, plongeant les joueurs dans un cycle de batailles infernales où chaque mort marque un nouveau départ.
Mais cette fusion entre hack’n’slash frénétique et progression roguelike parvient-elle à renouveler l’expérience, ou ne fait-elle que recycler des mécaniques déjà usées jusqu’à la moelle ?
Des guerriers maudits dans un cycle sans fin
La guerre ne s’arrête jamais, pas même après la mort. Warriors: Abyss plonge les icônes de l’histoire et de la mythologie dans une boucle infernale, où chaque défaite les ramène aux portes des abysses, condamnés à se battre encore et encore. Dans ce royaume de cendres et de néant, les âmes perdues errent sans but, les démons du passé refont surface, et les véritables maîtres de cet enfer restent tapis dans l’ombre, attendant que les plus forts s’effondrent sous leur propre fardeau.
Contrairement aux Warriors classiques, où les batailles sont des fresques grandioses sur des champs de guerre immenses, ici, l’histoire est volontairement plus intimiste, plus fragmentée, et surtout plus sombre. Loin des grandes armées à mener, chaque guerrier est un pion isolé, manipulé par le roi Enma, l’entité qui règne sur ce purgatoire. Pourquoi sont-ils là ? Ont-ils été envoyés pour expier leurs fautes, ou bien pour accomplir un dessein qui leur échappe encore ?
Plutôt que d’imposer un scénario linéaire, Warriors: Abyss laisse l’histoire se dérouler au fil des runs, à travers des rencontres avec d’autres âmes perdues, des bribes d’écrits murmurant l’existence d’un cycle immuable, des guerriers plus anciens ayant accepté leur sort, et d’autres tentant encore de s’échapper. Mais si échapper aux abysses était réellement possible, pourquoi personne n’en serait jamais revenu ?
Si cette narration éclatée donne une vraie identité au jeu, elle souffre aussi d’un manque d’impact. Le fait de devoir enchaîner les runs pour glaner quelques informations sur l’univers donne parfois l’impression que l’histoire passe au second plan, écrasée par la répétition des combats et l’urgence de la survie. Les personnages, bien que visuellement marquants, manquent de dialogues significatifs et ne développent jamais une véritable évolution au fil du jeu.
Le sentiment d’être piégé dans un cycle de mort et de résurrection est réussi, mais le jeu peine à exploiter pleinement cette idée, se limitant à une mise en scène minimaliste et une narration trop fragmentée pour véritablement marquer. Les abysses offrent un univers oppressant, mais pas assez exploité sur le plan narratif, laissant une impression d’inachevé là où le concept aurait pu proposer un scénario bien plus profond et tragique.
Un combat perpétuel où chaque affrontement est une mise à l’épreuve
Si la saga Warriors est connue pour ses champs de bataille gigantesques et ses affrontements épiques contre des centaines d’ennemis, Warriors: Abyss prend un virage plus radical, troquant les vastes plaines pour des arènes fermées et labyrinthiques, où chaque run est une tentative désespérée de progresser plus loin avant d’être renvoyé au point de départ.
Le jeu fusionne le combat frénétique propre à la série avec une structure roguelite, où chaque run modifie la disposition des salles, des ennemis et des bonus, forçant à s’adapter en permanence aux nouvelles configurations du terrain. Contrairement aux Musô classiques, où l’objectif est de dominer le champ de bataille avec des attaques dévastatrices, ici chaque affrontement est une bataille de survie, où l’erreur coûte cher et où la maîtrise du timing est essentielle.
Le système de combat reprend la fluidité et la brutalité de la série, avec des enchaînements spectaculaires, des contres précis et des compétences propres à chaque guerrier. Mais cette fois, la gestion de l’endurance et des ressources est primordiale, limitant les assauts constants au profit d’une approche plus calculée. Les combos peuvent être élargis grâce à des améliorations obtenues au fil des runs, mais chaque nouvelle capacité doit être choisie avec soin, car elles influencent directement le style de jeu.
L’une des grandes forces du jeu réside dans la diversité des personnages jouables, chacun offrant une approche unique des combats. Un bretteur rapide privilégiera les esquives et les attaques éclairs, tandis qu’un guerrier en armure lourde misera sur l’absorption des dégâts et les contre-attaques dévastatrices. Les capacités spéciales varient considérablement, renforçant la rejouabilité et l’adaptabilité aux défis imposés par les abysses.
Le level design rompt avec la structure ouverte des Warriors classiques, proposant des arènes plus cloisonnées, entrecoupées de couloirs étroits et de pièges mortels. Chaque salle recèle des menaces différentes, avec des ennemis placés de manière plus stratégique, forçant à repenser l’approche des combats plutôt que de foncer tête baissée.
Mais si ce changement permet une montée en tension plus marquée, il génère aussi une certaine répétitivité. Les environnements manquent de variété, et les enchaînements de salles finissent par donner une sensation de déjà-vu après plusieurs runs. L’absence de véritables points de repère distinctifs entre les niveaux accentue ce problème, rendant parfois les abysses moins immersives qu’elles ne devraient l’être.
Là où Warriors: Abyss brille, c’est dans son système de progression roguelite, qui permet d’améliorer son personnage entre chaque tentative. Même après une défaite, des fragments d’expérience permettent de débloquer de nouvelles compétences, des armes alternatives et des buffs permanents, facilitant les runs suivantes sans jamais les rendre trop faciles.
Mais l’équilibre entre difficulté et progression est parfois bancal. Certaines runs offrent des améliorations puissantes trop rapidement, tandis que d’autres vous laissent enchaîner les affrontements avec peu de ressources, rendant certaines parties bien plus frustrantes que d’autres. L’aléatoire, s’il renforce la rejouabilité, peut aussi générer des écarts de difficulté parfois injustes.
Si le jeu parvient à retranscrire l’intensité des combats d’un Warriors tout en intégrant une structure roguelite efficace, il ne parvient pas toujours à maintenir un équilibre parfait entre tension, diversité et plaisir de progression. Un gameplay solide et nerveux, mais qui souffre parfois d’une répétitivité due à son manque de variété dans les environnements et les rencontres.
Un enfer sculpté dans l’ombre et le sang
Visuellement, Warriors: Abyss prend un virage radical par rapport aux précédents opus de la série, troquant les grandes batailles en plein air pour un monde cloisonné, oppressant, où chaque salle semble conçue pour écraser les âmes piégées à l’intérieur. Loin des champs de bataille ensoleillés et des palais impériaux des Warriors classiques, les abysses offrent une esthétique plus sombre, plus brutale, où les architectures cyclopéennes, les lumières rougeoyantes et les ruines hantées par des silhouettes indistinctes transforment chaque run en un cauchemar éveillé.
Les environnements sont un mélange d’anciens temples brisés, de fosses ensanglantées et de couloirs labyrinthiques, où les murs semblent suinter une essence maléfique. Les créatures qui hantent ces lieux sont autant des monstres que des esprits damnés, des guerriers tombés au combat, ramenés à la vie pour prolonger un cycle de destruction sans fin. L’influence visuelle puise autant dans les mythologies asiatiques que dans une esthétique infernale rappelant les peintures apocalyptiques, donnant aux abysses une identité unique, entre folklore et purgatoire mécanique.
Mais si l’atmosphère est indéniablement réussie, les décors souffrent d’un manque de diversité Après plusieurs runs, l’impression d’explorer des variations d’un même enfer se fait ressentir, réduisant l’impact de la descente dans les abysses. L’absence de panoramas spectaculaires, pourtant souvent présents dans les jeux Warriors, peut aussi frustrer les joueurs habitués à l’ampleur des anciens opus.
Là où Warriors: Abyss excelle réellement, c’est dans son ambiance sonore, qui accompagne la descente du joueur avec une intensité suffocante. Chaque coup d’épée résonne comme un glas, chaque pas fait trembler les murs, et le souffle des créatures tapies dans l’ombre crée une tension constante.
La musique oscille entre percussions guerrières et mélodies oppressantes, renforçant le sentiment d’urgence et de fatalité qui accompagne chaque run. Les instruments traditionnels japonais, souvent utilisés dans les anciens opus, prennent ici une tonalité plus désaccordée, plus agressive, comme si l’orchestre jouait depuis les entrailles de l’enfer lui-même.
Mais là où la bande-son fait toute la différence, c’est dans sa manière de réagir au gameplay. Chaque run commence dans un silence relatif, avec des nappes sonores étouffées, mais plus le joueur progresse, plus les rythmes s’intensifient, les percussions deviennent plus lourdes, les cris des damnés plus audibles, jusqu’à ce que chaque affrontement semble être accompagné d’une cacophonie de guerre inarrêtable.
Les doublages, eux, sont particulièrement soignés, avec des guerriers qui ne se contentent pas d’énoncer leurs lignes de dialogue, mais les hurlent, les crachent, les murmurent comme des serments maudits. Chaque personnage jouable a un ton distinct, mais c’est surtout le roi Enma et les entités des abysses qui marquent les esprits, avec des voix caverneuses qui semblent résonner depuis les tréfonds du néant.
Si Warriors: Abyss souffre d’une répétitivité visuelle, il compense largement avec une direction artistique marquante et une bande-son d’une puissance rare, capable de transformer chaque run en une véritable montée en tension.
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