Dans un futur où l’humanité ne vit plus, mais survit à travers des bastions suspendus au-dessus du néant, les souvenirs sont gravés dans l’acier des armes. S. Prysm Destroyer, développé par MaidsWithGuns et édité par Eastasiasoft, ne vous offre ni subtilité ni lente montée en puissance. Il vous jette dans un cockpit, vous confie à un canon plasma, et vous demande une seule chose : avancer. Tuer. Venger.
Sorti le 19 mars 2025 sur Nintendo Switch, ce shooter run & gun à défilement horizontal rend hommage aux figures de l’arcade japonaise des années 90, mâtiné d’une couche d’esthétique mecha-anime assumée, entre néons sanglants, citations solennelles et mise en scène furieuse.
Vous incarnez Amor, une jeune pilote dévastée, dernière survivante d’une escouade exterminée par les Primordiaux, des entités mécaniques aux motivations brumeuses. Elle ne parle pas de justice. Elle ne croit pas en la victoire. Elle est l’arme. Le projectile. Le deuil.
Mais derrière son enrobage criard et son gameplay frénétique, S. Prysm Destroyer est-il plus qu’un hommage pixelisé ? Frappe-t-il avec la force d’une catharsis métallique, ou ne fait-il que recycler les fantômes d’un genre usé jusqu’à la fibre ?
Amor, l’arme humaine, et les cris étouffés du genre
Ne cherchez pas la subtilité. S. Prysm Destroyer n’en veut pas. Il préfère hurler sa douleur en rafales, résumer le trauma par un tir chargé, remplacer les dialogues par des éclats de plasma. Et pourtant, derrière cette façade de shooter néonisé, quelque chose insiste. Quelque chose de plus sincère qu’il n’y paraît.
Vous incarnez Amor, pilote solitaire, blessée, réduite à sa colère. Son escouade a été anéantie. Son supérieur a disparu. Son monde est en ruine. Tout ce qui reste : une combinaison, un canon, et une interface de ciblage.
Le scénario tient en quelques lignes, mais celles-ci sont martelées avec une conviction presque théâtrale. Des fragments de monologue intérieur, projetés à l’écran entre deux boss, révèlent une âme brisée, consumée par le deuil, par la guerre, par le refus du pardon. « Ce n’est pas une mission. C’est un chant funèbre. » Ces phrases, à la limite du cliché, fonctionnent parce qu’elles sont sincères. Parce qu’Amor n’a plus rien à perdre, ni à expliquer.
Mais si l’intention narrative est louable, la structure du jeu ne suit pas. La progression est purement linéaire, chaque niveau étant une séquence de destruction ponctuée par des cinématiques fixes ou de brefs écrans de texte. Il n’y a aucune interaction avec d’autres personnages, pas de dialogue, pas de choix. L’univers des Primordiaux reste flou, volontairement peut-être, mais trop pour que la menace ait un réel poids symbolique.
Et c’est là que le jeu échoue à franchir le pas du genre qu’il effleure : S. Prysm Destroyer évoque l’anime de vengeance post-apocalyptique, mais ne s’autorise jamais à le développer. Amor reste seule. Elle parle, mais à qui ? Elle tue, mais pour quoi ? La narration fonctionne comme un écho permanent, une voix off lancée dans le vide, sans réponse. Poétique dans ses intentions, mais vite répétitive dans sa forme.
On aurait aimé voir le lien entre elle et son mécha s’approfondir. Sentir le poids de ses décisions. Voir les Primordiaux répondre autrement que par la violence. Mais non. S. Prysm Destroyer est un cri, pas une conversation. Et il ne vous laisse jamais le temps de respirer assez longtemps pour que le drame prenne corps. Une héroïne qui avait du potentiel. Mais un jeu qui, trop souvent, la réduit à un canon ambulant.
Run, gun, repeat : la furie dans un couloir
S. Prysm Destroyer ne cherche ni subtilité mécanique, ni innovation systémique. Il est brut, direct, taillé pour la réaction plutôt que pour la réflexion. C’est un jeu qui vous pousse à tirer avant de penser, à esquiver avant de comprendre. Un exutoire stylisé, qui assume jusqu’au bout sa filiation avec le run and gun arcade à l’ancienne, version mecha post-moderne.
La boucle de gameplay est simple : avancer, tirer, éviter, survivre. Amor progresse dans des environnements en défilement horizontal automatique, affronte des vagues d’ennemis robotiques, franchit des checkpoints, et affronte un boss à la fin de chaque zone. Entre les deux : du vide, du bruit, du chaos. Et une très fine marge d’erreur.
Le système de tir est nerveux, avec une arme principale à cadence variable, une attaque secondaire à rechargement lent, et des compétences spéciales à débloquer au fil des missions. Le tout répond bien — le jeu est fluide, réactif, jamais injuste dans la lecture des inputs. Les esquives sont rapides, les sauts précis, et la prise en main immédiate. Sur ce plan-là, Prysm Destroyer maîtrise son héritage arcade.
Mais ce minimalisme assumé a ses revers. Car passé les deux premières missions, le jeu commence à recycler ses patterns. Les ennemis changent de sprite mais pas de comportement. Les séquences de tir deviennent prédictibles, les pièges environnementaux trop simples, et les affrontements de boss manquent cruellement de variété dans leurs mécaniques. Ils se résument souvent à une boucle d’attaque, esquive, tir, sans réelle évolution de phase.
Le level design, entièrement guidé par le scrolling, ne permet aucune exploration, aucune respiration. L’intensité est constante, ce qui, paradoxalement, nuit à l’impact dramatique. Il n’y a pas de montée. Juste une ligne droite tapissée d’explosions. On aimerait pouvoir ralentir, observer, ressentir le monde. Mais le jeu ne vous accorde aucun moment de doute. Il veut que vous couriez, toujours, vers la fin.
Des éléments RPG très légers sont présents — amélioration d’arme, choix de modules passifs, renforcement de la santé — mais ils ne modifient pas réellement le style de jeu. Ils donnent l’illusion d’une personnalisation, sans jamais créer une vraie différence tactique.
Et c’est là que S. Prysm Destroyer révèle ses limites : il a la forme du chaos, mais pas sa richesse. Il vous jette dans une guerre stylisée, mais vous refuse la liberté d’en changer les règles. Le fun est réel, mais monotone. L’adrénaline est là, mais elle n’évolue jamais. Un excellent défouloir. Mais un jeu d’action qui ne vous offre qu’un seul tempo — et l’impose jusqu’à la dernière minute.
Crayons de plasma et riffs de vengeance
S. Prysm Destroyer est un jeu qui hurle sa direction artistique à pleins tubes. C’est un anime de guerre réduit à sa moelle visuelle : lumières saturées, contours épais, interfaces futuristes clignotantes, explosions pixelisées à outrance. Le jeu ne veut pas que vous regardiez. Il veut que vous soyez agressé par son image.
Les personnages — Amor, ses ennemis, les mechas gigantesques — sont dessinés dans un style pseudo-anime, tout en pixels denses et palettes néon, entre hommage et caricature. Chaque sprite est net, lisible, bien animé, mais limité par des cycles courts et répétitifs. Amor a quelques poses iconiques, des ralentis stylisés, mais ses animations deviennent vite mécaniques. Les Primordiaux, eux, impressionnent davantage par leur présence massive que par leur expressivité réelle.
Les décors défilent en arrière-plan à grande vitesse : cités noyées dans la fumée, bases orbitales crevées par les tirs, plaines de cendres rouges… C’est beau, mais trop figé. Le décor n’est pas un espace, c’est un théâtre d’ombres. Et surtout, il se répète. Rapidement. Trop. Au bout de trois niveaux, les variations de fond n’offrent plus qu’un habillage. La sensation d’un monde se dilue dans celle d’un écran déroulant.
Techniquement, la version Nintendo Switch tient bien, avec un framerate solide, aucun ralentissement, mais quelques effets visuels simplifiés. Certains éclairs, particules ou détails d’arrière-plan semblent avoir été lissés ou réduits sur la console de Nintendo. Ce n’est jamais gênant pour le gameplay, mais cela trahit d’un manque de connaissance de l’architecture de la machine.
Côté bande-son, S. Prysm Destroyer balance du métal synthétique, des riffs saturés, des nappes électroniques violentes. C’est une guerre musicale constante. Chaque boss a son thème, chaque explosion son écho. La musique pousse, tire, percute. Et ça fonctionne. Sur la première heure. Puis elle tourne en boucle, devient bruit, puis fond sonore.
Il n’y a aucune subtilité dans la spatialisation sonore, aucun effet de silence. Tout est toujours plein. Les voix sont rares, volontairement compressées, synthétisées comme des messages radio interceptés. Amor ne parle pas — ses pensées s’affichent. Ses cris sont muets. Et c’est peut-être là la plus belle trouvaille du jeu : le son n’est jamais intime. Il est extérieur. Incontrôlable.
Mais à force d’hurler, Prysm Destroyer finit par s’étouffer. Il en fait trop, tout le temps. Il n’a ni souffle, ni relâche, ni crescendo. Ce qui frappe au départ devient décor. Et ce qui électrise finit par épuiser. Un jeu à l’esthétique puissante, cohérente, assumée; mais qui refuse la retenue, et perd ainsi toute nuance.
Une console saturée, un fond de cartouche encore chaud
S. Prysm Destroyer est un jeu qui ne cherche pas à s’éparpiller. Il connaît sa nature, il va droit au but, et cela se sent jusque dans sa structure technique et ses fonctionnalités annexes. Sur Nintendo Switch, l’expérience est stable, fluide, immédiate. Aucun temps de chargement inutile, aucun plantage, pas même un ralentissement visible malgré l’écran constamment noyé d’effets visuels et d’ennemis.
Le jeu tourne à 60 FPS constants, même en mode portable, ce qui est rare pour un titre aussi bruyant visuellement. Cela dit, cette stabilité graphique se paie par des concessions nettes : certains arrière-plans sont figés, les effets de particules ont été fortement simplifiés, et les animations secondaires (interfaces, éléments destructibles, mini-effets de particule) ont été réduites à l’essentiel. Ce n’est jamais bloquant, mais cela atténue la violence sensorielle que le jeu cherche à transmettre.
Côté contenu, le titre propose une campagne courte : six niveaux, chacun avec un boss unique, et un mode “score attack” une fois le jeu terminé. Aucune progression narrative alternative, pas de New Game+, pas de choix de difficulté dynamique. Vous pouvez sélectionner un mode “Hard” dès le départ, mais il ne modifie que les dégâts reçus et le rythme des vagues ennemies. Aucune variation structurelle.
Le système de sauvegarde est rigide : pas de checkpoint libre, uniquement une progression par niveau, à l’ancienne. On recommence, on apprend, on retente. Pas de confort, pas d’accessibilité, même minimale. Aucun mode daltonien, aucune option de vibration ajustable, pas de remappage des touches, et un HUD réduit à sa plus simple expression. Le jeu ne propose aucun effort d’adaptation aux différents types de joueurs. Ce n’est pas un oubli : c’est une posture. Mais elle isole.
Enfin, côté fonctionnalités, S. Prysm Destroyer ne propose ni multijoueur, ni leaderboard en ligne, ni fonctionnalités sociales. C’est un jeu purement local, solo, autonome, pensé pour être lancé, vécu, oublié ou recommencé. Pas de mode galerie, pas d’artbook à débloquer, pas de fanservice à collecter. Ce minimalisme radical fait partie de son ADN, mais il limite violemment sa rejouabilité.
S. Prysm Destroyer est une expérience brève, sèche, intense. Il ne cherche pas à construire une carrière de joueur, ni à fidéliser. Il veut brûler en vous, puis s’éteindre.
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