Morkull Ragast’s Rage est un jeu d’action et de plateformes en 2D développé par Disaster Games et édité par Selecta Play. Sorti le 6 mars 2025 sur Nintendo Switch, ce titre vous place dans la peau de Morkull, le dieu de la mort et des ténèbres, conscient de son existence en tant que personnage de jeu vidéo.
Cette conscience lui permet de briser le quatrième mur, interagissant directement avec vous, le joueur, pour une expérience teintée d’humour et de références à la culture pop. Mais cette approche novatrice suffit-elle à offrir une aventure mémorable ?
La tyrannie d’un dieu piégé dans son propre jeu
La mort a-t-elle une conscience ? Dans Morkull Ragast’s Rage, elle en a une, et pas des moindres. Morkull, dieu des ténèbres et de la destruction, règne d’une main de fer sur le royaume infernal de Ragast, un monde rongé par la violence, la démence et l’absurde. Pourtant, le tyran se retrouve prisonnier de son propre empire, incapable d’en franchir les frontières. Qui l’a enfermé ici ? Pourquoi ? Si Morkull possède une force colossale, il découvre rapidement que ses pouvoirs sont entravés, l’empêchant de semer la désolation comme il en a l’habitude.
La grande originalité du jeu, c’est que Morkull sait qu’il est un personnage de jeu vidéo. Il brise le quatrième mur sans retenue, se moquant ouvertement de vous, le joueur, raillant les mécaniques de gameplay et dénonçant les limites arbitraires que lui imposent ses propres créateurs. Cet aspect méta donne une dimension unique à l’aventure, où la narration repose autant sur le scénario que sur la manière dont le protagoniste interagit avec son propre monde. Il commente ses propres actions, critique les dialogues, tacle les développeurs et, bien souvent, tourne en dérision les clichés des jeux de plateformes.
Mais sous cette façade sarcastique se cache une quête d’émancipation. Morkull ne veut pas seulement s’échapper : il veut briser toutes les règles, détruire son propre monde et prendre le contrôle de sa destinée. Mais est-il réellement libre, ou simplement un pantin dont les fils sont tirés par une force plus grande encore ? Le jeu joue avec cette ambiguïté, laissant planer le doute sur la réelle nature de ce qui entoure Morkull. À mesure que vous progressez, vous croisez des personnages aussi délirants qu’hostiles, dont les motivations restent volontairement floues.
Ce ton ironique et volontairement chaotique donne à Morkull Ragast’s Rage une saveur particulière. L’écriture est acerbe, mordante, parfois absurde, avec des dialogues qui oscillent entre monologues désabusés et crises d’hystérie destructrices. Pourtant, à force de vouloir sans cesse tout tourner en ridicule, le jeu peine parfois à maintenir une vraie tension dramatique. L’humour omniprésent empêche toute implication émotionnelle, et certains moments qui auraient pu être marquants sont désamorcés par une punchline qui brise l’instant. C’est un choix assumé, mais qui ne fait pas mouche à tous les coups.
D’un point de vue purement narratif, Morkull Ragast’s Rage ne cherche pas à construire une intrigue complexe, mais plutôt à démonter les codes du genre tout en offrant un spectacle de destruction permanente. L’objectif n’est pas de raconter une grande épopée, mais de jouer avec les attentes du joueur, le surprendre et le dérouter constamment. Une expérience narrative qui trouve sa force dans sa capacité à déconstruire le médium, mais qui laisse parfois un goût d’inachevé en refusant d’aller au bout de ses propres idées.
Un système de combat qui cogne, mais qui vacille
Si Morkull Ragast’s Rage repose sur une ossature classique du jeu de plateformes en 2D, il tente de s’en émanciper à travers un système de combat dynamique, une liberté de mouvement inspirée du metroidvania, et une volonté farouche de jouer avec les attentes du joueur. Pourtant, sous ces ambitions se cache un titre dont l’exécution oscille entre fulgurance et frustration.
Morkull est un dieu. Un destructeur. Un tyran piégé dans sa propre cage. Le jeu vous rappelle constamment que vous incarnez une force de destruction absolue, un être dont chaque coup doit résonner comme une malédiction. Les combats sont donc pensés comme une explosion de violence, où vous devez enchaîner des combos dévastateurs et habilités surnaturelles pour broyer vos ennemis.
Le système de combat repose sur un enchaînement d’attaques au corps-à-corps, de coups spéciaux à débloquer et d’une gestion du rythme et de la mobilité qui récompense l’agressivité. Chaque frappe a du poids, chaque esquive doit être calculée, et la moindre erreur peut mener à une punition immédiate. L’idée de base fonctionne… jusqu’à ce que l’on commence à gratter sous la surface.
D’une part, certains ennemis sont trop résistants, allongeant inutilement des combats qui devraient être nerveux et brutaux. Les boss, en particulier, souffrent d’un mauvais équilibrage, avec des phases de combat qui reposent sur des attaques impossibles à parer alors que le jeu vous indique le contraire. L’injustice ne vient pas d’une difficulté bien pensée, mais d’un manque de clarté dans les mécaniques.
De plus, les animations manquent de précision, entraînant un léger flottement qui rends les affrontements moins réactifs qu’ils ne le devraient. Ce temps de latence subtil entre l’action du joueur et la réponse à l’écran peut sembler anodin, mais dans un jeu où le timing est clé, cela se transforme rapidement en une immense frustration.
Le royaume de Ragast, terrain de jeu de Morkull, se veut être un espace à la fois oppressant et labyrinthique, conçu pour piéger aussi bien son dieu que les joueurs. Si l’intention est louable, l’exécution laisse malheureusement à désirer. Le level design oscille entre de très bonnes idées de plateformes, notamment avec des mécaniques de déplacements intéressantes, et des sections artificiellement difficiles où la lisibilité de l’environnement pose problème. Certains pièges ne sont pas clairement signalés, des éléments de décor peuvent masquer des plateformes essentielles, et la navigation se heurte parfois à un manque de cohérence spatiale.
L’exploration souffre d’un rythme bancal, notamment parce que certaines zones sont inutilement longues ou conçues pour vous forcer à répéter des séquences qui auraient gagné à être plus courtes. Un metroidvania bien pensé récompense la curiosité et l’intelligence du joueur. Ici, on a parfois l’impression que le jeu le punit pour avoir cherché à comprendre son monde.
Là où Morkull Ragast’s Rage impressionne par son ambiance unique, il trébuche sur une gestion des mécaniques qui manque de finition. Le problème principal réside dans une accumulation de bonnes idées mal exploitées. On retrouve un système d’améliorations, des pouvoirs spéciaux à débloquer, et même une évolution progressive du style de combat, mais le tout semble dispersé, comme si chaque élément du jeu avait été pensé indépendamment du reste.
Le game design joue avec le joueur, ce qui, sur le papier, est une approche intéressante. Morkull étant un dieu piégé dans un jeu, certaines règles du gameplay sont volontairement brisées : des plateformes qui disparaissent, des combats qui s’arrêtent brutalement pour une réflexion méta, des ennemis qui trichent ouvertement… L’idée est géniale, mais elle est souvent mal intégrée, laissant place à de la confusion plus qu’à de la surprise. Ce concept de rupture du quatrième mur appliqué au gameplay rappelle Undertale ou The Stanley Parable, mais dans Morkull Ragast’s Rage, ce procédé est moins maîtrisé, créant parfois des ruptures de rythme inutiles au lieu d’enrichir l’expérience.
Un style gothique dessiné à la main
Si Morkull Ragast’s Rage a une ambition évidente, c’est bien celle de vous plonger dans un cauchemar gothique animé, où l’univers visuel et sonore s’entrelace pour créer une atmosphère unique. Entre esthétique ténébreuse, animations agressives et bande-son percutante, le jeu ne laisse pas indifférent… mais ne parvient pas toujours à transformer cette vision en un ensemble cohérent
Le premier contact avec Morkull Ragast’s Rage frappe fort. Chaque image transpire la violence, la corruption et la démence. Le style artistique, entièrement dessiné à la main, offre un charme brut, rappelant les travaux les plus sombres du métal gothique et certaines inspirations tirées du comics underground. Morkull, avec sa silhouette imposante et sa gestuelle exagérée, semble arraché aux pages d’un roman graphique cauchemardesque.
Les environnements sont chargés, pleins de détails étranges et dérangeants, où le monde de Ragast semble se tordre sous son propre poids. Les décors se déclinent en un enchevêtrement de structures délabrées, de ruines infernales, et de paysages déformés qui renforcent la sensation d’être piégé dans un monde en perdition. L’influence de jeux comme Castlevania ou Blasphemous se fait sentir, mais Morkull Ragast’s Rage choisit une direction plus exagérée, plus saturée, qui envoûte autant qu’elle indiffère.
Le problème réside dans une surabondance d’effets et une lisibilité problématique. Certains arrière-plans sont trop chargés, rendant difficile la distinction entre l’arène de combat et le décor. Les plateformes se confondent avec l’environnement, ce qui pose un problème dans un jeu qui repose en partie sur la précision des déplacements.
Les animations sont un point fort, tout autant qu’un fardeau. Morkull est un personnage massif, et chacun de ses mouvements est exagéré à l’extrême, ce qui donne un réel impact aux coups, mais entraîne aussi un manque de réactivité dans les moments critiques. Les ennemis, eux aussi, sont superbement animés, avec une variété de créatures cauchemardesques qui rendent chaque nouvelle rencontre visuellement marquante. Mais encore une fois, cette surenchère visuelle joue contre le gameplay, rendant certains affrontements confus, surtout quand plusieurs ennemis aux attaques spectaculaires se retrouvent à l’écran.
Sur le plan sonore, Morkull Ragast’s Rage cherche à imposer son identité avec une bande-son qui marque au fer rouge. Guitares saturées, percussions brutales, nappes industrielles… tout est conçu pour accentuer l’oppression et la tension. Le jeu emprunte autant aux sonorités du metal extrême qu’aux ambiences sonores angoissantes, renforçant la sensation d’être dans un monde en perpétuelle implosion.
Les thèmes musicaux sont intenses, lourds, parfois même dérangeants. Certains morceaux, notamment lors des combats contre les boss, réussissent à transmettre une montée d’adrénaline immédiate, rendant chaque affrontement encore plus éprouvant. Mais cette approche aussi agressive que Morkull lui-même finit par souffrir d’un problème de répétitivité. Certains morceaux reviennent trop souvent, notamment dans les phases d’exploration. Là où un jeu comme Blasphemous sait alterner entre silence et tension musicale, Morkull Ragast’s Rage ne laisse jamais vraiment de répit. Cette agression sonore permanente peut fonctionner pour souligner l’intensité continue, mais finit par épuiser, notamment dans les moments où l’on aimerait que le jeu respire un peu plus.
En revanche, le design sonore est impeccable. Chaque coup porté résonne avec brutalité, chaque cri d’ennemi est une cacophonie métallique, et les ambiances de fond contribuent à rendre Ragast vivant et oppressant. Les effets sonores des sorts et capacités spéciales sont particulièrement satisfaisants, avec un vrai sentiment d’impact à chaque attaque dévastatrice.
Le doublage, quant à lui, est minimaliste, mais efficace. Morkull vocifère, rugit, se moque… et cela fonctionne. Son ton arrogant et sarcastique se marie parfaitement avec l’écriture du jeu, renforçant le côté méta qui traverse l’ensemble de l’aventure. Les ennemis, eux, disposent de voix distordues, de gémissements inhumains, et parfois de répliques délirantes, contribuant à l’étrangeté de l’univers.
Visuellement et auditivement, Morkull Ragast’s Rage est un jeu d’excès. Tout est poussé à son paroxysme : les couleurs, les effets, les sons, les animations… et cela fonctionne… jusqu’à un certain point. Le style graphique est superbe, mais peut parfois rendre le gameplay confus. La bande-son est intense, mais fatigue sur le long terme. Morkull Ragast’s Rage est un jeu qui impose sa personnalité, sans faire de compromis. Si vous accrochez à son esthétique gothique démesurée et son enrobage sonore oppressant, vous serez fasciné par son atmosphère. Mais si vous recherchez quelque chose de plus subtil, plus nuancé, vous risquez de trouver cette direction aussi envahissante que le protagoniste du jeu lui-même.
Quand l’enfer Papetura se déchaîne
Si Morkull Ragast’s Rage aspire à vous plonger dans un univers sombre et torturé, il n’échappe malheureusement pas aux affres des problèmes techniques qui viennent hanter votre expérience. Des ralentissements et des saccades perturbent régulièrement le rythme du jeu. Ces chutes de performance sont particulièrement notables lors des combats intenses, où l’écran se remplit d’effets visuels, rendant parfois l’action illisible.
Les temps de chargement s’étirent également, brisant l’immersion et testant votre patience. De plus, des bugs récurrents peuvent vous contraindre à redémarrer le jeu ou à recommencer certains niveaux, ajoutant une couche de frustration à une aventure déjà exigeante.
En ce qui concerne le contenu multijoueur, ne vous attendez pas à partager votre souffrance avec d’autres âmes perdues. Morkull Ragast’s Rage est une expérience strictement solo, sans mode coopératif ni fonctionnalités en ligne. Vous êtes seul face aux défis que le jeu vous impose, pour le meilleur et pour le pire.
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