Dans Commandos: Origins, développé par Claymore Game Studios et publié par Kalypso Media, vous retournez là où tout a commencé : les coulisses clandestines de la Seconde Guerre mondiale, où chaque victoire ne tenait qu’à une porte entrouverte, un corps traîné dans l’ombre ou une mèche allumée à temps.
Sorti le 9 avril 2025 sur Xbox Series, ce préquel de la série culte espagnole vous propose de revivre les débuts de l’unité d’élite, avant que ne s’imposent les légendes du commando britannique. Mais l’objectif est clair : ne pas seulement évoquer les souvenirs d’Behind Enemy Lines, mais réécrire une naissance, avec la lenteur méthodique d’un saboteur et la précision mortelle d’un tireur embusqué.
Alors que les classiques de la tactique en temps réel renaissent les uns après les autres, Commandos: Origins parvient-il à restaurer la tension, l’intelligence et la rigueur militaire qui faisaient le charme des premières missions ? Ou n’est-il qu’un uniforme repassé sur une série de mécaniques devenues trop visibles ?
Six hommes, zéro gloire, mille cibles
Commandos: Origins ne raconte pas l’histoire de la guerre. Il raconte la guerre dans ses interstices, dans les marges que l’Histoire officielle n’évoque qu’en notes de bas de page. Celle des missions sans témoins, des neutralisations sans détonation, des corps qu’on efface et des plans qu’on devine. Le jeu vous fait incarner les débuts de l’unité britannique des Commandos, ce groupe clandestin d’élite formé dans l’urgence, forgé dans le silence, et destiné à devenir l’arme invisible du conflit.
Vous n’y incarnez pas un héros, mais six profils précis, complémentaires, méthodiques. Le Béret Vert – Jack O’Hara – revient comme une évidence, massif, brutal, mais toujours calculateur. À ses côtés, l’Infirmier, le Saboteur, le Nageur, le Tireur d’élite et l’Espion – chacun introduit à travers des missions qui dévoilent non pas leur grandeur, mais leur savoir-faire. Il n’est jamais question de destin, ni de patriotisme flamboyant. Seulement de tâches à exécuter, froidement, proprement.
La narration suit une trame historique crédible, mais jamais envahissante. Pas de grandes cinématiques pompeuses. À la place, des briefings secs, des cartes annotées, des échanges radios laconiques. Le scénario s’inscrit dans un réalisme tendu, où les opérations suivent le fil des événements réels : sabotage de sous-marins, infiltration de bases navales, extraction de cibles en territoire ennemi. La fiction ne s’impose pas, elle épouse les faits.
Ce choix de narration sèche, presque documentaire, confère à l’ensemble une densité silencieuse. Les personnages ne sont pas développés par le dialogue, mais par leurs outils, leurs postures, leurs angles d’approche. C’est la mécanique qui devient langage. L’Espion ne parle pas – il se fond. Le Tireur n’explique pas – il aligne. Et dans ce mutisme militaire, chaque mission devient une page d’identité pour ces hommes que l’Histoire ne nomme jamais.
Pas de flashback sentimental, pas de dilemme moral surjoué. Seulement l’effacement volontaire derrière l’objectif. Et c’est précisément cette posture qui donne à Commandos: Origins une force narrative discrète mais remarquable. Le récit, ici, ne s’écrit pas avec des mots. Il s’imprime dans les plans parfaits, dans les erreurs fatales, dans les corps que personne ne retrouvera.
Le silence est une arme, la précision un langage
Commandos: Origins ne vous demande pas de vaincre. Il vous demande de ne pas être vu, de ne pas faire d’erreur, et de ne jamais tirer si vous pouvez contourner. C’est une philosophie tactique héritée des origines de la série, où la puissance est moins une question de force que de géométrie, de timing et de compréhension de l’espace.
Le jeu repose sur un gameplay en temps réel avec pause active, une signature du genre qui permet de planifier les actions de plusieurs personnages simultanément. Chaque mission est un puzzle ouvert, avec des ennemis aux lignes de vue tangibles, des zones d’ombre exploitables, des routines à observer, et des failles à exploiter. Le cœur de l’expérience réside dans l’anticipation : repérer, marquer, manipuler, puis agir. La violence n’est jamais glorifiée. Elle est chirurgicale.
Les six personnages jouables incarnent des rôles asymétriques, dont l’efficacité dépend de votre capacité à combiner leurs compétences. Le Béret Vert attire, escalade, frappe. L’Espion se déguise et désinforme. Le Tireur élimine à distance. Le Saboteur piège les véhicules. L’Infirmier soigne. Le Nageur infiltre par les voies détournées. Le système n’est pas nouveau, mais il est parfaitement huilé, avec une clarté d’interface et une réactivité qui permettent des enchaînements complexes sans friction.
Chaque mission est construite comme une toile tendue, où le moindre faux mouvement déclenche une réaction en chaîne. Les gardes alertés courent, sonnent l’alarme, appellent des renforts. L’échec est souvent immédiat, mais il est rarement injuste. Tout est visible, lisible, prévisible… à condition de prendre le temps. Le jeu récompense l’observation, la patience, et le sang-froid. Il punit la précipitation.
Le level design est d’une rigueur militaire : des bases fortifiées, des terrains boisés, des ports labyrinthiques, chaque carte est un environnement fermé, bourré de détails mécaniques à décrypter. Pas de généré procédural. Pas d’ouverture excessive. Chaque mission est un microcosme savamment calibré, où les objets interactifs, les rondes ennemies, les alarmes et les cachettes forment un théâtre d’infiltration tendu comme un câble.
Sur Xbox Series, la maniabilité a été spécialement repensée pour la manette. Les raccourcis contextuels, les roues de sélection rapide et les options de pause tactique permettent de reproduire avec aisance la précision du jeu PC, sans sacrifier le confort de jeu console. Le curseur reste précis, les commandes répondent bien, et la pause tactique compense intelligemment les limites inhérentes au stick analogique.
Il n’y a aucun système de montée en niveau, aucun déblocage d’aptitudes. Tous les outils sont disponibles dès le départ. Ce n’est pas une progression mécanique – c’est le joueur qui progresse, en apprenant, en perfectionnant ses exécutions, en nettoyant le terrain sans laisser de trace.
Commandos: Origins est un jeu de tactique à l’ancienne, dans ce que cela a de plus noble : une école de rigueur, d’anticipation, et de respect absolu de l’espace. Ce n’est pas un champ de bataille. C’est un échiquier miné, et vous êtes la main invisible qui déplace les pièces avant que la partie ne commence.
Uniformes ternes, bruits étouffés, tension graphique
Il y a dans Commandos: Origins une pudeur visuelle qui rappelle l’origine tactique de la série. Le jeu ne cherche jamais à impressionner par la fureur ou l’ampleur. Il vous offre un monde à hauteur d’escouade, pensé non pas pour l’épopée, mais pour l’analyse. La caméra plongeante expose le champ de bataille comme un plateau de jeu, chaque recoin révélé avec clarté, chaque ennemi modélisé pour être lu, pas admiré.
La direction artistique est fonctionnelle, presque militaire dans sa sobriété : textures propres mais sans fioritures, environnements détaillés sans surcharge, modèles stylisés mais lisibles. Les décors, souvent inspirés de l’Europe occupée – ports, bunkers, forêts, villages – sont représentés avec une géométrie rigoureuse, propice à la lecture tactique. Les lignes de vue s’intègrent naturellement, les zones à risque sont repérables au premier coup d’œil. Pas de filtres de surbrillance outranciers, pas d’effets de brume ou de profondeur superflus : la clarté prime.
Mais derrière cette lisibilité stratégique se cache parfois un manque de personnalité visuelle. Si chaque carte est différente sur le plan structurel, les ambiances colorimétriques se ressemblent, les textures se répètent, et l’ensemble conserve un aspect propre mais un peu lisse, qui ne suscite pas l’émerveillement. Ce n’est pas un monde que l’on contemple : c’est un théâtre d’opération que l’on démonte.
Les personnages, eux, sont bien animés, avec des gestes précis, des postures typées, et des animations contextuelles réussies : corps traînés, coffres ouverts, couteaux plantés sans éclat. Pas d’exagération. Pas de gore. Une violence clinique, sèche, silencieuse. Ce choix cohérent renforce la nature discrète de l’ensemble, mais il prive aussi les affrontements de toute intensité spectaculaire.
La bande-son épouse la même philosophie : musique d’ambiance discrète, nappes orchestrales en arrière-plan, rarement mélodiques, souvent atmosphériques. Elle n’accompagne pas l’action – elle la tapisse. Les moments de tension ne sont pas soulignés, ils sont laissés à votre interprétation. Les silences deviennent des respirations stratégiques. Les effets sonores – pas de coups de feu tonitruants, mais des chuintements, des crissements, des cris étouffés – sont là pour renforcer l’immersion discrète d’un jeu qui parle bas.
Sur Xbox Series, le jeu tourne de manière fluide en 4K, avec des temps de chargement quasi inexistants, et une stabilité remarquable, même lors des séquences les plus chargées en animations simultanées. Les menus sont rapides, l’interface s’adapte parfaitement à la manette, et aucun ralentissement n’a été signalé à l’heure actuelle. Visuellement, Commandos: Origins ne cherche pas à impressionner – il cherche à servir. Et il le fait avec une rigueur sans panache, mais sans faille.
Devoir de précision, refus de surplus
Derrière la mécanique bien huilée de ses missions, Commandos: Origins affiche une conception technique d’une sobriété assumée, mais d’une solidité exemplaire. Sur Xbox Series, le jeu tourne en 4K à 60 images par seconde, sans aucun accroc visible. Les animations sont fluides, les transitions instantanées, et le moteur du jeu – sobre, mais stable – ne montre aucun signe de faiblesse, même en pleine infiltration, lorsque plusieurs routines ennemies s’enclenchent simultanément.
Les temps de chargement sont quasiment absents, y compris lors du retour au checkpoint après un échec. Le jeu ne vous punit pas par la lenteur, et cette fluidité contribue à renforcer la dimension expérimentale de chaque mission : échouer, recommencer, réessayer un autre angle, sans friction technique.
L’ergonomie manette est un point particulièrement bien négocié : chaque action bénéficie d’un raccourci contextuel, chaque roue de sélection est accessible sans excès de menus superposés. Même les joueurs peu habitués à la tactique à la manette peuvent s’y retrouver sans effort. La lisibilité à l’écran est également exemplaire, que l’on joue sur téléviseur ou sur un moniteur rapproché. Tout est pensé pour l’efficacité, pas pour l’esbroufe.
Côté contenu, Commandos: Origins propose une campagne solo d’une quinzaine de missions, réparties à travers plusieurs théâtres d’opérations historiques. Chaque mission est rejouable, avec des conditions de victoire optionnelles, des objectifs secondaires et un scoring basé sur la furtivité, la rapidité et l’efficacité. Aucun arbre de compétences, aucun système de progression chiffré : vous n’êtes pas là pour monter de niveau, mais pour affûter votre propre maîtrise du terrain.
Le jeu ne propose pas de mode multijoueur, ni coopération locale, ni en ligne. C’est une expérience solo pure, recentrée sur la réflexion individuelle, sur l’analyse méthodique de la situation. Ce choix pourra frustrer ceux qui espéraient revivre l’expérience en duo, mais il s’inscrit dans la philosophie d’isolement tactique que le titre revendique à chaque seconde.
En termes d’accessibilité, Commandos: Origins reste en retrait : pas de modes adaptés aux troubles de la vision, pas de doublage intégral (les voix restent limitées à quelques expressions contextuelles), pas de paramétrage avancé des touches pour les utilisateurs manette. Si l’expérience est fluide pour un joueur standard, elle laisse peu de place à l’adaptation.
Enfin, le jeu ne propose aucune composante communautaire – pas d’éditeur de missions, pas de galerie, pas de skins alternatifs. Là encore, le choix est clair : Commandos: Origins refuse le superflu. Il préfère concentrer toute sa structure sur la rigueur du gameplay, quitte à paraître spartiate.
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