Avec Tower of Kalemonvo, le développeur osur exhume un genre oublié : le dungeon crawler brut, sans didacticiel, sans filet, sans respiration. Un RPG minimaliste en vue isométrique, construit comme un piège : chaque salle est une menace, chaque étage une provocation.
Sorti sur PC le 28 mars 2025, le jeu se veut un hommage noir aux premières heures du hack’n’slash, mais avec une austérité revendiquée. Pas de classes préétablies, pas de narration bavarde, pas de récompense exubérante. Seulement vous, un avatar sans nom, une tour générée aléatoirement, et la promesse d’une fin (ou de plusieurs).
Mais derrière cette rigueur cryptique, Tower of Kalemonvo offre-t-il une véritable expérience de jeu ? Ou n’est-ce qu’un exercice de style, condamné à s’effondrer sous le poids de sa propre verticalité ?
Des couloirs sans mémoire, une chair sans nom
Il n’y a pas de fresque héroïque dans Tower of Kalemonvo. Il n’y a ni prophétie, ni royaume à sauver, ni grande guerre oubliée. Le jeu vous abandonne au seuil d’une tour, sans explication, sans voix off, sans trame visible. Le monde ne vous doit rien. Et vous ne semblez rien incarner de plus qu’une silhouette obscure, lancée à l’aveugle dans les entrailles mouvantes d’un édifice sans fin.
C’est un choix assumé. Pas de narration classique. Pas de personnages secondaires. Pas de quêtes scriptées. La seule trace de récit réside dans les objets trouvés, les environnements changeants, et quelques descriptions cryptiques disséminées dans l’inventaire. Un mot. Une relique. Une allusion. Tout est laissé à l’interprétation.
Mais cette absence d’histoire n’est pas un défaut. C’est une posture. Tower of Kalemonvo rejette la fiction imposée pour laisser naître celle que le joueur construit malgré lui, par la répétition, l’épuisement, la dévoration lente de ses espoirs. Chaque étage devient un souvenir. Chaque mort, un fragment de légende personnelle.
Il n’y a donc aucun personnage au sens classique. Seulement vous, face à la tour. Et plus vous montez, plus vous vous videz… de sens, de repères, d’illusions. Tower of Kalemonvo ne vous raconte pas une histoire. Il vous transforme en fantôme.
Chaque étage est une trappe, chaque pas une menace
Touwer of Kalemonvo n’est pas un RPG d’action comme les autres. Il n’ouvre pas ses bras, il referme ses murs. Le gameplay repose sur une boucle aussi simple que tranchante : exploration, combat, survie, montée. Chaque étage est généré procéduralement. Chaque salle, chaque embranchement, chaque piège est potentiellement létal. Et vous êtes seul.
Vous contrôlez un personnage en vue isométrique, dans un système en temps réel très dépouillé. Une attaque, une esquive, un sort. Pas de combo spectaculaire, pas de spectacle chorégraphié. Tout est sobre, brut, mécanique. Les ennemis ne sont pas là pour briller, mais pour épuiser votre barre de vie, votre patience, votre lucidité.
Le game design est impitoyable. Aucun tutoriel. Aucune carte. À peine un inventaire, quelques objets trouvés, souvent maudits, rarement explicites. Chaque arme a ses propres caractéristiques, mais aucune comparaison claire n’est proposée. Le joueur doit tester, perdre, recommencer. L’expérimentation est la seule pédagogie.
Le level design repose intégralement sur l’aléatoire, mais conserve une cohérence architecturale oppressante : couloirs étroits, pièces verrouillées, pièges invisibles. Vous avancez à tâtons, craignant chaque virage. Les ennemis varient en types mais non en IA : leur danger vient de leur placement, de leur nombre, pas de leur ruse.
Il n’y a aucune pause, aucun point de contrôle. Lorsque vous mourrez, vous repartez du bas. Certains objets persistants débloqués au fil de vos runs permettent une progression méta, mais le sentiment dominant reste celui d’une punition froide. Et dans ce cadre-là, chaque étage franchi devient une victoire réelle.
Pas de carte à explorer, pas de monde ouvert, pas d’arborescence de quêtes. Tower of Kalemonvo est une ligne verticale tendue entre vous et le néant. Ce n’est pas un jeu qui vous donne des outils; c’est un jeu qui vous regarde tomber, et vous invite à recommencer.
La profondeur ne vient pas des mécaniques. Elle vient de leur refus de vous accompagner. Et dans ce rejet de toute forme de confort, le jeu trouve son identité.
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