Les jeux de cartes à collectionner ont toujours eu une dimension presque mythique, un mélange d’excitation et d’addiction, où chaque booster ouvert est une promesse d’émerveillement ou de déception. Certains joueurs s’y plongent pour la compétition, d’autres pour le plaisir de collectionner, mais un élément reste central : l’échange, le commerce et la spéculation. C’est précisément cette facette que NOSTRA GAMES tente de capturer avec Trading Card Shop Simulator, une simulation sortie sur Nintendo Switch le 6 février 2025, où le joueur incarne non pas un duelliste, mais un commerçant, un gestionnaire de boutique de cartes, jonglant entre stocks, tendances du marché et clients passionnés… ou capricieux.
Mais Trading Card Shop Simulator réussit-il à capturer l’adrénaline du collectionneur, la tension du commerçant, et la passion qui anime ce microcosme unique ? Ou se contente-t-il d’être un simple tableur déguisé en jeu, un exercice mécanique sans saveur qui exploite la nostalgie sans jamais en comprendre l’essence ?
Un univers qui tient sur un ticket de caisse
La plupart des simulations de gestion n’ont pas besoin d’un scénario étoffé pour captiver leur audience. Après tout, ce qui importe, c’est l’expérience de voir un petit commerce prospérer, de prendre des décisions stratégiques, de bâtir quelque chose sur le long terme. Mais là où certains jeux parviennent à insuffler une véritable identité à leur monde – un humour mordant, des clients attachants, des rivaux charismatiques – Trading Card Shop Simulator choisit une approche froidement fonctionnelle, réduisant son univers à une série de mécaniques sans âme.
Le joueur incarne un gérant de boutique qui, en théorie, devrait évoluer dans un environnement où les collectionneurs passionnés, les spéculateurs avides et les nostalgiques de l’âge d’or des cartes cohabitent. Mais ici, point de narration à suivre, point de clients mémorables, point de rivalité commerciale qui aurait pu insuffler un soupçon de tension. Il n’y a pas d’histoire à proprement parler, pas de progression narrative, juste un objectif simple : faire prospérer son magasin en achetant, vendant et organisant des événements.
Ce manque d’enjeu dramatique aurait pu être compensé par une galerie de personnages marquants – clients réguliers avec des personnalités distinctes, collectionneurs excentriques cherchant la perle rare, petits escrocs tentant de revendre des contrefaçons. Malheureusement, les interactions restent purement transactionnelles, réduites à des lignes de dialogue impersonnelles et des comportements prévisibles. Les clients ne sont que des chiffres avec des besoins fluctuants, pas des individus avec des histoires. Pas de compétitions locales, pas de tensions avec d’autres magasins, pas d’événements narratifs capables de rompre la monotonie du quotidien d’un commerçant.
L’absence de contexte scénarisé rend le jeu encore plus mécanique. Pourquoi ce magasin ? Qui êtes-vous en tant que gérant ? Quelles sont vos ambitions ? Rien ne vient donner un cadre à notre parcours. Tout semble interchangeable, sans investissement émotionnel qui vous pousserait à vous attacher à votre commerce ou à ressentir la fierté d’avoir bâti un empire du jeu de cartes.
Alors que des jeux comme Moonlighter ou Potionomics parviennent à infuser de la personnalité dans la gestion de boutique, Trading Card Shop Simulator se contente d’un univers fade et sans saveur, où l’on enchaîne les transactions sans jamais avoir l’impression de faire partie d’un monde vivant.
Et dans un secteur où la passion est une monnaie plus précieuse encore que les cartes les plus rares, cette froideur est un échec majeur.
Une Simulation qui manque de tirage
Un bon jeu de gestion repose sur un équilibre subtil : assez de profondeur pour captiver les stratèges, assez de dynamisme pour éviter la monotonie, et une progression suffisamment gratifiante pour donner envie de revenir chaque jour. Trading Card Shop Simulator, avec son concept de boutique spécialisée dans la vente de cartes, avait tout pour séduire un public de collectionneurs et d’amateurs de stratégie commerciale. Mais au lieu de proposer une mécanique bien huilée, il se contente d’assembler des systèmes bancals, répétitifs et sans véritable enjeu sur le long terme.
Le cœur du jeu repose sur trois grandes actions : acheter des cartes, les vendre, et organiser des événements pour dynamiser son commerce. À première vue, ce cycle semble logique. Mais une fois plongé dans la gestion quotidienne, on réalise rapidement que chaque action devient une routine sans saveur, un enchaînement mécanique où le manque de variation tue tout sentiment de progression.
L’un des plus gros problèmes du gameplay est l’absence de profondeur réelle dans le marché des cartes. Certes, les prix fluctuent en fonction de la demande et de la rareté, mais ces variations sont prédictibles et trop simplistes pour offrir un vrai challenge aux joueurs qui aiment optimiser leur commerce. Là où un bon jeu de gestion pousse à analyser, anticiper et prendre des risques, Trading Card Shop Simulator réduit tout à des décisions évidentes, sans véritable impact à long terme.
Les interactions avec les clients manquent cruellement de diversité. Pas de négociations serrées, pas de clients excentriques essayant de vous refiler des contrefaçons, pas de joueurs cherchant désespérément une carte ultra-rare pour un tournoi à venir. Chaque transaction ressemble à la précédente, réduisant l’acte de vendre à un simple clic répétitif, plutôt qu’à une dynamique engageante où chaque client représenterait une opportunité ou un dilemme.
Les événements, censés ajouter du piment au quotidien d’un commerçant, sont tout aussi anecdotiques. Organiser un tournoi dans sa boutique devrait être un moment clé, un instant où l’on voit sa communauté s’animer, où les clients réagissent aux résultats, où de nouveaux visages apparaissent… Mais dans Trading Card Shop Simulator, ces événements sont de simples scripts, où l’on déclenche une animation et où l’on récolte quelques bénéfices sans aucune interaction réelle.
Le level design, quant à lui, est réduit à son strict minimum. La boutique n’évolue pas de manière significative, et l’aménagement des espaces reste superficiel, avec peu d’options de personnalisation qui donneraient au joueur l’impression de bâtir un lieu unique. Contrairement à un Two Point Hospital ou un Game Dev Tycoon, où chaque choix d’agencement et de spécialisation influe sur l’expérience de jeu, ici, tout semble figé, sans la moindre touche personnelle qui rendrait le magasin plus vivant.
Le système économique aurait pu compenser ces lacunes en intégrant une vraie gestion des stocks, des livraisons imprévisibles, voire des incidents commerciaux (retards, vols, changements brutaux du marché). Mais là encore, tout est trop prévisible, trop linéaire. On achète, on revend, on répète… sans jamais avoir cette sensation grisante de prendre des décisions qui façonnent réellement la boutique.
Finalement, le plus grand défaut de Trading Card Shop Simulator est son absence totale de tension ou d’enjeu. Une simulation, même basée sur un commerce de niche, doit donner au joueur des défis à relever, des moments de stress où une mauvaise décision peut tout faire basculer, des instants de satisfaction où l’on réalise que notre flair commercial a payé. Mais ici, on ne ressent rien. Juste une boucle répétitive, où l’on gagne toujours un peu plus d’argent, mais sans jamais avoir l’impression de construire quoi que ce soit de significatif.
Alors que les jeux de gestion les plus marquants parviennent à créer une dépendance, où chaque nouvelle journée est un nouveau pari sur l’avenir, Trading Card Shop Simulator ne fait que dérouler une mécanique sans âme, où l’on comprend tout en quelques heures… avant de sombrer dans l’ennui.
Un magasin sans vie et une ambiance qui sent le vide
Là où un jeu de gestion peut compenser une mécanique répétitive par une direction artistique forte et une ambiance sonore immersive, Trading Card Shop Simulator choisit de rester aussi fonctionnel que possible, au point d’en devenir insipide. Un magasin de cartes est un lieu où la passion se manifeste visuellement : des étagères remplies de boosters colorés, des posters de tournois passés, des vitrines exhibant les cartes les plus rares comme des trésors inaccessibles. Mais ici, tout semble figé, sans âme, sans vie.
Visuellement, le jeu adopte un style minimaliste, qui n’a rien d’intrinsèquement mauvais en soi, mais qui manque cruellement de personnalité. Les éléments du décor sont statiques, les animations sont limitées, et la boutique, censée être un lieu vibrant et en constante évolution, reste désespérément rigide. Peu importe les améliorations ou les stocks que l’on gère, l’apparence du magasin ne reflète jamais réellement notre progression, ce qui enlève tout sentiment d’accomplissement visuel.
Les clients, qui auraient pu être un élément clé de l’identité graphique du jeu, souffrent du même manque de variété. On croise toujours les mêmes silhouettes génériques, avec peu ou pas de différences notables entre eux. Aucun signe distinctif qui les rendrait reconnaissables, aucun détail vestimentaire qui refléterait leur personnalité de collectionneur, de joueur occasionnel ou de revendeur opportuniste. L’absence totale d’expressions ou de postures marquées renforce cette impression d’être dans une boutique fantôme, où chaque personnage n’est qu’un avatar interchangeable venu remplir une fonction et repartir aussitôt.
L’interface utilisateur, élément central dans un jeu de gestion, est tout aussi terne. Peu intuitive, elle manque de lisibilité et demande au joueur de naviguer entre des menus peu ergonomiques pour réaliser les actions les plus basiques. Les informations importantes (tendances du marché, stock, demandes des clients) sont mal mises en avant, rendant l’expérience plus laborieuse qu’elle ne devrait l’être. Tout semble pensé pour être simplement fonctionnel, sans aucune volonté de fluidifier ou d’optimiser l’expérience utilisateur.
Côté sonore, Trading Card Shop Simulator souffre d’une bande-son générique et totalement oubliable. Les musiques d’ambiance sont des boucles simplistes, qui manquent de variation et qui finissent par se fondre dans le bruit de fond sans jamais capter l’attention. Là où un jeu comme Coffee Talk parvient à installer une atmosphère chaleureuse et relaxante grâce à sa bande-son soignée, ici, on a juste droit à des morceaux génériques qui n’évoquent rien de particulier.
Les effets sonores, censés donner vie aux actions du joueur, sont rudimentaires et répétitifs. Chaque transaction se traduit par le même bruit fade de caisse enregistreuse, chaque menu s’accompagne des mêmes sons plats. Pas de bruits de feuilles froissées lorsqu’on ouvre un booster, pas de murmures d’excitation d’un client découvrant une carte rare, pas d’ambiance propre à une boutique où les discussions animées devraient être omniprésentes. Tout sonne creux, comme si l’on gérait un magasin désert sans âme qui vive.
Enfin, l’absence de doublage ou de voix digitalisées enlève toute expressivité aux rares dialogues du jeu. Là où certains jeux de gestion parviennent à donner du caractère à leurs personnages via des voix stylisées ou même de simples grognements distinctifs (comme dans Animal Crossing), ici, chaque ligne de texte est livrée sans la moindre intonation, renforçant encore plus cette impression d’un monde artificiel, sans chaleur humaine.
Trading Card Shop Simulator échoue à donner une identité visuelle et sonore à son univers. Ce qui aurait pu être une expérience immersive et chaleureuse se transforme en une gestion austère, où l’on passe plus de temps à cliquer sur des menus fades qu’à ressentir la moindre émotion. Un jeu qui ne donne jamais l’impression d’être dans une vraie boutique, mais plutôt dans une interface sans âme, un logiciel de gestion de stock plus qu’un véritable jeu.
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